Pour une agriculture québécoise écologique, collective et durable
Courrier des lecteurs|Mis à jour le 23 février 2024Un texte des fermiers et des fermières de famille
«Nous avons vécu nos vies en supposant que ce qui était bon pour nous serait bon pour le monde. Nous nous sommes trompés. Nous devons changer nos vies pour qu’il soit possible de vivre selon l’hypothèse contraire ; que ce qui est bon pour le monde sera bon pour nous. Et cela exige que nous fassions l’effort de connaître le monde et d’apprendre ce qui est bon pour lui.» — Wendell Berry
Nous manifestons pour une agriculture biologique de proximité, inclusive et cohérente avec notre nordicité et nos besoins spécifiques.
Nous manifestons pour la multiplication des initiatives agricoles et éducatives qui génèrent de la bienveillance sur les écosystèmes naturels et humains.
Nous savons cette révolution accessible et nécessaire.
Rupture du lien avec le territoire nourricier. Perte des connaissances naturelles et des savoir-faire culinaires. Ébranlement de la sécurité alimentaire. Effritement des communautés humaines et disparition des lieux de partage. Mauvaise compréhension de la valeur des aliments. Disparition partielle de l’autonomie alimentaire. Dégradation de la santé des êtres vivants, des sols, des eaux et de l’air.
Il est grand temps de confier aux artisans de l’agriculture écologique, collective et durable la responsabilité de préserver notre territoire et de nous nourrir.
Heureusement, nous n’avons pas perdu toutes les connaissances agricoles qu’il nous faut redorer afin de pouvoir alimenter les familles québécoises de manière pérenne. Il ne s’agit pas d’un retour à l’ancien temps, mais bien d’une manière d’habiter le territoire, rythmée par les saisons, inspirée par l’histoire et motivée par les enjeux contemporains.
Ce que nous désirons voir, du plus profond de nos cœurs, c’est la multiplication des fermes de proximité, diversifiées, biologiques et à échelle humaine.
Parce qu’elles permettent de conserver et de développer notre expertise agricole collective.
Parce qu’elles sont l’expression pure des saveurs de notre territoire.
Parce qu’elles sont les gardiennes de la biodiversité agricole, essentielle pour le développement de la résilience et de l’autonomie.
Parce qu’elles offrent des emplois valorisants et durables.
Parce qu’elles stimulent l’économie locale et assurent la sécurité alimentaire en cas de crise.
Parce qu’elles favorisent le développement démographique des zones rurales.
Parce qu’elles sont des lieux de rencontre et de solidarité.
Parce qu’elles s’intègrent aux écosystèmes naturels et humains de manière lumineuse et équilibrée.
Parce qu’elles favorisent la reconnexion des gens à leur territoire — et donc l’amour des ressources qui en sont issues et le besoin de les protéger.
Plusieurs mesures gouvernementales pourraient faciliter cette importante révolution agricole: accès à la terre, financement sensé des entreprises agricoles, révision des normes sanitaires et des lois sur les quotas, appui ferme et sans équivoque à l’agriculture biologique, multiplication des marchés publics, promotion et soutien à la distribution des aliments en circuit court, programmes éducatifs axés sur la nature et l’alimentation locale, pour n’en nommer que quelques-unes.
Afin de guider l’État vers ces actions concrètes, chaque citoyen-ne peut soutenir et exiger la transformation de l’industrie agroalimentaire; en s’engageant auprès d’un-e fermier-ère de famille, en fréquentant les marchés fermiers et les épiceries bio-locales, en variant son alimentation avec les saisons, en exigeant des municipalités qu’elles se dotent de plates-bandes comestibles et de lieux alimentaires publics, en remplaçant son gazon par des plantes aromatiques, médicinales, mellifères ou potagères, en s’impliquant dans le choix des ingrédients servis dans les écoles et dans les centres hospitaliers.
Chaque action est essentielle pour nourrir la fierté et la résilience collective et pour ravitailler le grand mouvement révolutionnaire de l’alimentation québécoise.
Chaque geste, aussi petit soit-il, alimente un mouvement plus grand que lui. Et quand nous serons assez nombreux-ses à nous y joindre, comme autant de ruisseaux chargés d’espoir, alors nous inventerons des fleuves de liberté.