Transformation numérique: trouver son partenaire d’innovation
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑mai 2022TRANSFORMATION NUMÉRIQUE. Mener un projet de transformation numérique signifie généralement d’intégrer à son entreprise des technologies émergentes telles que l’Internet des objets, la valorisation de mégadonnées ou l’intelligence artificielle (IA). Or, il n’existe pas toujours une solution commerciale « simple et abordable » pour adopter ces technologies. Les PME ne sont toutefois pas sans ressources quant à ce défi : elles peuvent solliciter l’aide d’un des nombreux centres de recherche présents au Québec.
C’est la stratégie qu’a adoptée, en 2017, l’entreprise Conceptromec, basée à Magog. À l’époque, le fabricant d’équipements de production de pièces automobiles désirait offrir un service de maintenance et de soutien technique à distance sur les machines connectées et automatisées qu’il vendait à des clients basés aussi bien en Europe qu’en Asie et au Brésil.
« Le projet impliquait d’importer un grand volume de données provenant des machines, puis de les analyser avec des algorithmes d’intelligence artificielle, afin de proposer des diagnostics au client », explique Stéphane Bégin, président de l’entreprise.
Le projet est ambitieux, mais Stéphane Bégin cogne aux bonnes portes et réussit à bien s’entourer. Il contacte le Centre de recherche Createch de l’Université de Sherbrooke et un projet de recherche collaborative est lancé. Au terme du processus, Conceptromec a bénéficié du travail d’un étudiant à la maîtrise pour élaborer un nouveau modèle d’affaires « en servitisation » — le service de maintenance et d’assistance technique à distance serait offert sous forme de contrat annuel. Le cégep de Sherbrooke a « prêté » un étudiant programmeur pour développer un volet TI de collecte des données. Puis, deux jeunes entreprises ont mis la main à la pâte; l’une pour créer des algorithmes d’IA, et l’autre, un tableau de bord mobile pour consulter la performance des machines.
À chacun son partenaire universitaire
« Les PME n’ont habituellement pas les moyens de financer une division de recherche et développement à longueur d’année, explique Elaine Mosconi, directrice de Createch. Établir un partenariat avec un centre de recherche universitaire leur donne aussi la chance d’innover, au même titre que les grandes entreprises. »
La directrice insiste sur le mot « partenariat », qu’elle préfère au mot « accompagnement ». « Dans le milieu universitaire, nous ne sommes pas censés faire de l’accompagnement comme le ferait un consultant qui implémente une solution commerciale déjà existante dans une entreprise. Le projet doit comporter une part d’innovation ou d’expérimentation dans les façons de faire. »
Aussi, il faut savoir que chaque groupe de recherche possède une vocation ou une spécialisation propre. À l’Université de Sherbrooke, le Groupe IntelliLab se spécialise dans les projets de transformation numérique 4.0, alors que le Pôle de recherche en intelligence stratégique et multidimensionnelle d’entreprise (PRISME) s’intéresse à l’intelligence décisionnelle et à la valorisation de données. L’Institut intelligence et données remplit une mission semblable à l’Université Laval. Dans le parc scientifique de Bromont, le Centre de collaboration MiQro innovation aide les entreprises innovantes à développer des systèmes microélectroniques à la fine pointe de la technologie. C’est sans oublier les centres collégiaux de transfert de technologie, qui possède eux aussi leur pôle de recherche appliquée.
L’IA, oui, à condition d’avoir une « vision »
Selon le portrait des TI réalisé par NOVIPRO/Léger à l’automne 2021, 18 % des entreprises canadiennes planifient investir dans des solutions d’intelligence artificielle d’ici deux ans. Plusieurs d’entre elles auront besoin d’aide pour adapter à leur réalité les nouveaux modèles prédictifs publiés chaque année par des chercheurs en IA.
« Notre mission est de réduire l’écart entre le monde universitaire et le monde industriel, pour faire bénéficier les entreprises des plus récentes avancées en intelligence artificielle », explique Joumana Ghosn, directrice de l’équipe de recherche appliquée en apprentissage automatique de l’Institut québécois d’intelligence artificielle (aussi nommé Mila).
En plus de son travail « ouvert au public », Mila effectue des projets de recherche « collaborative » avec des entreprises. « Il faut que l’entreprise ait un problème bien défini pouvant être résolu par des algorithmes d’IA, prévient Joumana Ghosn. Aussi, il faut qu’elle ait accumulé des données de manière structurée et qu’elle ait une vision de ce qu’elle peut faire avec l’IA. » Ce genre de projet peut prendre plusieurs années avant de générer un rendement de l’investissement, et la direction doit croire au projet, insiste-t-elle.
Une fois que l’entreprise est qualifiée, voici les avantages qu’elle peut tirer de Mila. « L’entreprise a accès à tous nos algorithmes. Elle bénéficie de notre savoir-faire. Finalement, elle repart avec un modèle prédictif qui lui appartient, parce qu’il a été bâti avec ses propres données. »
Bien sûr, ces projets ne sont pas à la portée de toutes les entreprises. La sélection ne se fait toutefois pas sur la taille de l’entreprise, mais bien sa volonté de vouloir innover et de se réinventer.