Êtes-vous un collectionneur ou un «ramasseux de bébelles»?
Philippe Leblanc|Mis à jour le 23 janvier 2024EXPERT INVITÉ. Nous vivons dans une société de consommation et il est particulièrement facile d’accumuler les objets. Je parie que votre garage est rempli d’articles dont vous ne vous servez pratiquement jamais. Pourtant, on continue d’accumuler : on achète cet outil en solde dont on pourrait avoir besoin un de ces quatre. Et votre garde-robe ? Y trouvez-vous des vêtements que vous n’avez pas portés depuis que le Canadien a gagné la Coupe Stanley ?
J’ai lu quelque part qu’on passe la première moitié de sa vie à accumuler toutes sortes d’objets, et la deuxième moitié à essayer de s’en débarrasser. Comme on dit, on ne peut rien prendre avec soi dans l’au-delà…
Personnellement, je me suis engagé il y a de nombreuses années à limiter autant que possible l’accumulation de possessions matérielles. Je me pose depuis longtemps la même question que Pierre-Yves McSween – «En as-tu vraiment besoin ?» – avant d’acheter quoi que ce soit. Il est d’ailleurs surprenant de constater à quel point la réponse objective est souvent «Non».
J’ai aussi pris la décision de tenter de garder mes affaires personnelles aussi simples que possible. Je me souviens d’avoir été tenté d’acheter une propriété en Floride au lendemain de la crise financière de 2008-2009. Les prix des condos avaient alors considérablement chuté et on pouvait acheter des dollars américains à parité avec notre dollar canadien. Quelle occasion en or ! Mais je n’ai pas acheté et j’en suis plutôt heureux. En effet, l’achat d’une propriété en Floride implique une foule de complications et de dépenses à long terme pour l’acheteur canadien : taxes, frais de condo, assurance, entretien, etc. De plus, celui qui possède un condo en Floride y laisse une grande partie de sa liberté de déplacement. En effet, il devient alors difficile de justifier un voyage en Italie ou en Californie…
S’il y avait des occasions intéressantes dans le marché immobilier en 2010, il y en avait tout autant, sinon davantage, dans le marché boursier. Pour moi, la simplicité du marché boursier a gagné haut la main, et j’en suis très heureux 10 ans plus tard.
Votre portefeuille
J’estime que la même philosophie de simplicité (volontaire ?) devrait guider l’investisseur dans la gestion et la construction de son portefeuille de placement. Il est trop facile d’accumuler des titres dans son portefeuille comme on le fait avec les objets dans son garage. Combien d’entre vous détenez plus de cinquante titres dans votre portefeuille ? Certains ont peut-être même plus d’un portefeuille…
Comme dans toute chose, il faut apprendre à dire non en investissement. Un bon investisseur se mesure peut-être davantage par les titres qu’il n’achète pas que par ceux qu’il achète.
Lorsqu’on est confronté à la décision d’acheter un nouveau titre qui semble attrayant, on devrait se poser la question : «En ai-je vraiment besoin ?»
Au fil des ans, nous avons réglé ce problème dans notre gestion en nous limitant à un nombre fixe de titres en portefeuille (entre 25 et 30 au maximum). Ainsi, si nous détenons, disons, 27 titres dans nos portefeuilles sous gestion et que nous désirons en ajouter un nouveau qui nous paraît intéressant, nous devrons nécessairement remplacer (vendre) un des titres existants du portefeuille. La question devient alors celle-ci : «Est-ce que j’améliore la qualité de mon portefeuille en achetant ce nouveau titre et en vendant un titre existant ?» Si l’on ne peut pas se convaincre que c’est le cas, on n’achètera pas le nouveau titre.
Une autre façon de voir les choses concerne la sélection naturelle. Notre objectif est d’augmenter constamment la qualité globale de notre portefeuille et son potentiel d’appréciation en regard du risque encouru. Ainsi, un nouveau titre ne devrait être acheté que s’il répond à ces deux exigences.
D’une certaine manière, l’investisseur autonome – ou un gestionnaire de portefeuille comme nous – devrait agir comme un grand collectionneur d’oeuvres d’art ou de voitures rares. Son but n’est pas d’accumuler le plus grand nombre de tableaux ou de voitures, mais de posséder des objets réellement uniques qui correspondent à ses goûts personnels.
À quel camp appartenez-vous : celui du collectionneur de titres de grande qualité ou celui du «ramasseux» de toutes les actions qui l’ont tentées à un certain moment ?