GRANDS DE L’IMMOBILIER. Immeubles industriels, tours de bureaux, résidences pour aînés… Depuis bientôt six ans, la firme d’investissement américaine Blackstone investit massivement dans le parc immobilier commercial du Québec.
Alors que Blackstone trônait au sommet des dix plus grandes transactions du Québec en 2021 en devenant partenaire à 95 % d’une douzaine de résidences pour aînés de Groupe Sélection (transaction estimée à plus de 600 millions de dollars [M$]), ce joueur financier se hisse aux deuxième et cinquième rangs du classement 2022. Des achats dont la facture dépasse largement les 2 milliards de dollars (G$).
Comment expliquer ce vif intérêt de la part de la firme d’investissement américaine qui détient près de 565 G$ d’actifs immobiliers partout dans le monde ? « Le Québec représente actuellement un marché immobilier qui affiche une croissance dynamique très intéressante. Il détient également un solide bassin de talents », répond Janice Lin, directrice générale et responsable de l’immobilier au Canada pour Blackstone, par courriel.
Elle rappelle que Blackstone est entré sur le marché québécois en 2018, lorsque Pure Industrial Real Estate Trust (« PIRET »), une société de la Colombie-Britannique, a été privatisée par un partenariat unissant son entreprise à celle d’Ivanhoé Cambridge. « Cette division, qui a été renommée Pure Industriel, appartient majoritairement à Blackstone (62 %). Ivanhoé Cambridge détient la balance des parts, soit 38 % », note-t-elle. L’ensemble des 190 immeubles industriels provenant de la mégatransaction de Cominar, au printemps dernier, s’est justement retrouvé sous la gestion de cette entité.
« Cette acquisition majeure permet à Pure Industriel d’ajouter 15,3 millions de pieds carrés aux quelque 26 millions de pieds carrés que l’entreprise détenait déjà sur le territoire québécois », mentionne Janice Lin. Ce qui s’est d’ailleurs traduit par l’ouverture de bureaux à Montréal et à Québec. « En fait, Pure Industriel reprend les espaces qui étaient occupés par les équipes de location de Cominar et la soixantaine d’employés qui s’y trouvait. Notre équipe a même embauché 30 personnes de plus », indique-t-elle.
La gestionnaire tient à préciser que près de la moitié des propriétés logistiques de Blackstone au Canada, en nombre et en superficie totale, se trouvent au Québec. « Les propriétés au Québec, dans tous les secteurs, représentent actuellement plus du tiers de l’investissement total de Blackstone au Canada », précise-t-elle.
Un partenaire apprécié
En plus d’être partenaire avec Ivanhoé Cambridge et Groupe Sélection, Blackstone a récemment ajouté la corporation immobilière montréalaise Kevric parmi ses alliés au Québec. La vente des parts majoritaires que détenait le fonds de pension PSP dans les immeubles Tour Air Canada-Altoria et 1100 Atwater (vendu pour 230 M$) gérés par Kevric permet à la firme d’investissement américaine de prendre désormais ses aises au centre-ville de Montréal. « Il s’agit de notre seconde entente avec Blackstone à la suite de notre partenariat, conclu en novembre 2021, pour un immeuble torontois (99 Atlantic Complex). Blackstone représente un grand joueur mondial, probablement le plus important en ce moment. Ce joueur montre une confiance dans le marché de Montréal. Ce n’est donc sans doute pas notre dernière collaboration », fait savoir le dirigeant de Kevric, Richard Hylands.
La perception des experts
De l’avis du président et directeur général d’Avison Young, Jean Laurin, que ce grand joueur international s’intéresse au marché du Québec montre la vitalité du parc immobilier québécois. « Nos expertises en énergie, en technologie ainsi qu’en intelligence artificielle, notre gastronomie et, disons-le, notre stabilité politique appuyée par une solide équipe économique sont actuellement des facteurs qui envoient des signaux très positifs aux investisseurs étrangers », explique le gestionnaire qui cumule plus de 40 années d’expérience dans le marché immobilier commercial.
Des hausses de loyer en vue
Certains experts soulèvent toutefois que l’appétit de Blackstone envers le parc immobilier commercial québécois ne constitue pas la meilleure des nouvelles pour les locataires actuels de ces espaces. « Blackstone a la réputation de favoriser une stratégie de location reposant sur des baux à courte durée. Une formule qui lui permet de hausser plus rapidement le coût des loyers », soutiennent au moins deux sources qui préfèrent taire leur nom.
La vente du centre de distribution de Dollarama, actuellement en construction à Laval (neuvième transaction au classement), illustre, disent-ils, cette stratégie. Cet immeuble, acquis par Blackstone auprès de Cominar lors de la mégatransaction de mars dernier, et revendu pour la somme de 120 M$ à BMO Assurance vie cet automne, était déjà assorti d’un bail de 20 ans. « Ce n’est pas le type d’entente que privilégie sa division Pure Industriel », avisent nos deux sources.
« À la défense de Pure Industriel, ce sont des professionnels de l’immobilier commercial qui vont investir pour revitaliser les immeubles dont ils deviennent propriétaires », relance, pour sa part Mark Sinnett, vice-président exécutif du groupe des marchés des capitaux au Québec à JLL. Dans le cas du portefeuille industriel de Cominar, glisse-t-il au passage, plusieurs adresses commençaient sérieusement à manquer d’amour.