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Le rêve américain semble bel et bien mort

Nicolas Duvernois|Mis à jour le 31 janvier 2024

Le rêve américain semble bel et bien mort

BLOGUE INVITÉ. C’est en 1931, dans le livre «The Epic of America» que l’auteur et historien américain James Truslow Adams a pour la première fois utilisé l’expression «American dream» («rêve américain»).

Ce rêve promettait une société démocratique où les droits de la personne, la liberté, l’accès aux opportunités et l’équité envers tous offriraient prospérité et succès à ceux et celles qui le méritaient grâce à leur dur labeur.

Ce rêve fut la raison d’arrivée pour des millions d’immigrants en quête d’un avenir meilleur. Il nourrit aussi pendant plusieurs décennies l’espoir de dizaines de millions d’Afro-Américains, d’enfin pouvoir tourner la triste page de l’esclavage et d’aspirer à un monde meilleur.

Ce rêve fut aussi chéri au fil des années par des groupes minoritaires ostracisés en raison de leurs croyances politiques, religieuses, sexuelles ou autres, et qui voyaient dans la promesse de celui-ci un gage de sécurité et de liberté.

Italiens, Coréens, Irlandais, Cubains, Mexicains, au fil de l’histoire, bien souvent en raison de guerre ou d’une instabilité géopolitique, les États-Unis ont toujours été perçus comme une terre promise où l’on pouvait s’y rendre afin d’avoir une seconde chance de bâtir sa vie. Tristement, la réalité offerte fut assez différente de celle tant espérée.

L’effritement du rêve américain ne fait plus de doute. Bien que d’importants problèmes secouent les États-Unis depuis déjà fort longtemps, force est d’admettre que nous sommes témoins depuis quelques années d’une accélération de cette fin de vie.

Autrefois roi du monde, nos voisins, outre leur puissance militaire et financière, ne sont plus l’ombre d’eux-mêmes. Qui plus est, ce ne sont pas nécessairement les menaces extérieures qui sont la principale cause de leur déclin, mais bien la guerre fratricide qu’ils se livrent à l’intérieur même de leurs frontières. Nous vivons une nouvelle guerre de Sécession.

En effet, les États-Unis traversent une crise sans précédent. Bien que les multiples conflits entre le Parti républicain et le Parti démocrate polluent l’opinion publique, ils ne sont pas l’unique raison de cette déroute. La société américaine se retrouve à la croisée des chemins et doit choisir, en quelque sorte, son avenir. Cette nouvelle guerre de Sécession est une guerre de «crise d’identité», une guerre morale.

D’un côté, on tient mordicus à protéger l’histoire en oubliant, la plupart du temps, à mettre en contexte les croyances et écrits du passé. De l’autre, on tient absolument à moderniser, à faire évoluer un pays qui, du fait de son histoire, a été bâti parfois violemment, souvent par vague d’immigration et toujours en ayant des relations complexes entre compatriotes. Tel un combat de coqs, chacun est convaincu d’avoir raison et personne ne concède le moindre millimètre.

Droits à l’avortement bafoués, système d’immigration déficient, relation extrêmement inquiétante et violente avec les armes à feu, torrents de désinformations de toutes sortes, graves problèmes d’inégalités, d’iniquités et de racisme, disparition de la classe moyenne, insécurité généralisée, forte résurgence des mouvements d’extrême droite et gauche… le portrait n’est pas très reluisant.

En tant que plus important partenaire économique du Canada, que pouvons-nous faire face à ce triste spectacle? Nous avons vu à quel point une relation peu rapidement prendre fin. Un jour, l’Allemagne dépensait des milliards par semaine afin de s’approvisionner en pétrole russe, la journée d’après, elle faisait tout afin de trouver une source différente.

L’histoire nous a plusieurs fois démontré à quel point certains géants ont des pieds d’argile. Qui aurait cru qu’après plus de 50 ans, le droit à l’avortement soit encore remis en question? Qu’après des dizaines de milliers d’innocentes victimes et plusieurs massacres dans des écoles primaires, notamment, qu’il soit encore plus facile aujourd’hui qu’hier de porter une arme chargée sur soi, bien entendu sans aucune obligation de formation au maniement d’armes au préalable.

Ironiquement, dans ces deux cas bien précis, c’est la Cour Suprême elle-même, l’ultime référence morale et légale du pays qui a cloué le cercueil du débat. Optimiste de nature, je ne vois malheureusement pas comment les Américains vont réussir à changer de cap afin de reprendre le contrôle de ce pays qui a pourtant tant à donner.

Aujourd’hui, je crains que, 91 ans après sa naissance, le rêve américain soit bel et bien mort.