EXPERT INVITÉ. Ma cafetière m’a lâché sans raison il y a quelque temps; elle venait à peine de fêter ses trois ans! Commençait pour moi un parcours du combattant afin d’essayer de la faire réparer. Résultat final: elle a officiellement rendu l’âme après seulement trois ans de service!
Au début du mois de juin, le ministre de la Justice présentait les bases de modifications qui seront apportées à la Loi sur la protection du consommateur (LPC) afin de contrer l’obsolescence programmée au Québec et de forcer le droit à la réparation.
Les principes vertueux de ce projet de loi
Il est difficile de ne pas soutenir cette initiative dans ses efforts pour atteindre une économie plus verte et circulaire en agissant contre l’obsolescence programmée et en faveur du droit à la réparabilité. Alors que de plus en plus de consommateurs prennent conscience de cette pratique et cherchent des produits plus durables, il y a des signes encourageants qui montrent que des changements en ce sens sont en cours, y compris dans les pratiques des détaillants.
Néanmoins, un changement systémique d’une telle ampleur s’accompagne de nouveaux défis pour ces mêmes détaillants québécois, qui sont dépendants de multiples acteurs, notamment de leurs fournisseurs, dont plusieurs sont situés à l’extérieur du Québec, voire du Canada, et leurs sous-traitants.
Qu’en est-il exactement pour nos commerces au Québec?
Parmi les défis que doivent relever les détaillants pour développer la circularité et la durabilité tant de leurs activités que de leurs produits, certains s’annoncent plus préoccupants que d’autres, notamment:
• L’absence de disponibilité des pièces de remplacement des produits entraine le retrait de leur vente ou l’inapplicabilité des garanties;
• L’importance d’harmoniser les règles du Québec avec les autres provinces du Canada pour ne pas que nos détaillants soient désavantagés par rapport à ces derniers. Rechercher également, dans la mesure du possible, l’harmonisation avec les autres juridictions qui ont décidé de bouger dans ce domaine, notamment l’Union européenne;
• Le partage de la responsabilité de l’identification de la durée minimale de fonctionnement d’un bien — où est la limite de la responsabilité du détaillant par rapport à celle du fabricant?
• L’universalité du projet de loi afin que celui-ci s’applique de manière holistique à l’ensemble des produits de la vente de détail. Par exemple, il ne doit pas s’agir d’une loi qui comprend des angles morts sur la téléphonie ou le matériel informatique.
De nombreux pays ont adopté des lois visant à lutter contre l’obsolescence programmée. Ces réglementations imposent des mesures telles que des garanties minimales, des informations sur la durée de vie des produits ou encore l’accès aux pièces détachées.
De plus, les consommateurs sont de plus en plus conscients des conséquences de l’obsolescence programmée et recherchent des solutions durables. Ils sont plus enclins à choisir des produits de qualité et à soutenir des initiatives telles que l’économie circulaire et le mouvement Do it yourself (DIY).
Il existe des précurseurs en la matière, qui s’efforcent de concevoir des produits durables et de qualité, sans recourir à l’obsolescence programmée. Ces entreprises adoptent des approches axées sur la durabilité, la réparabilité et la longévité de leurs produits. En voici quelques exemples:
• Patagonia, fabricant de vêtements de plein air, est reconnu pour son engagement en faveur de la durabilité et de la responsabilité environnementale. Il encourage les clients à réparer leurs vêtements plutôt que de les remplacer et propose également un programme de recyclage de ses produits.
• Renaissance, en partenariat avec Réno-Jouets, offre des jeux et des jouets qui sont acheminés dans un local dédié où ils sont vérifiés, réparés (au besoin), complétés et nettoyés, pour être ensuite vendus dans leur centre de valorisation de jouets situé à Brossard.
• Corbeil Électroménagers, filiale du Groupe Amiel, a créé la brigade Corbeil afin de réduire l’empreinte écologique du grand déménagement annuel en recyclant les matériaux réutilisables, mais aussi, les gaz à effet de serre contenus dans les appareils réfrigérants. Quant à Distinctive, l’entreprise de distribution du groupe, elle veille à la disponibilité des pièces détachées des produits qu’elle met en marché afin d’augmenter leur indice de réparabilité.
• Décathlon se concentre au Québec dans la vente d’équipements de sport en se présentant comme un modèle sur la question du droit à la réparation. Le taux de réparation de ses produits en atelier est passé à 50% en 2022, alors que son objectif est d’atteindre 85% d’ici 2026.
Il est important de noter que l’obsolescence programmée est profondément ancrée dans certains modèles économiques et peut être complexe à éliminer complètement. Cependant, avec une combinaison de réglementations, d’initiatives de sensibilisation des consommateurs, d’innovations technologiques et de pression sur les acteurs concernés, il est possible de réduire l’effet de celle-ci et de promouvoir des pratiques plus durables dans le domaine de la consommation.
Finalement, j’aurais peut-être dû être plus persévérant et tenace en conservant ma cafetière…