EXPERT INVITÉ. La bonne nouvelle, excellente même: la plupart des entreprises continuent de profiter d’une très forte demande pour leurs produits et services. Malgré des taux d’intérêt plus élevés, découlant d’une hausse récente — et la plus forte en 20 ans — d’un demi-point de pourcentage du taux directeur pour le faire passer de 0,5% à 1%, la demande est en effet toujours soutenue par un marché du travail dynamique. À preuve: le taux de chômage a diminué de 0,4 point de pourcentage en mars au Québec, pour atteindre 4,1%, soit le plus bas jamais enregistré.
Cette forte demande, qui persistera encore pendant plusieurs mois malgré le haut taux d’inflation, est aussi alimentée par le fort niveau d’épargne des ménages qui profitent notamment de salaires plus élevés. Les importants stimuli budgétaires gouvernementaux des deux dernières années ont également permis à plusieurs ménages de préserver ou même d’augmenter leur pouvoir d’achat.
Il n’y a donc pas lieu de craindre une récession prochaine, comme s’en inquiètent plusieurs entrepreneurs rencontrés un peu partout au Québec et au Canada. Ni de stagflation, par ailleurs, ce phénomène économique dérivé de la contraction des mots stagnation et inflation qui est engendrée par une forte inflation, certes, mais aussi par une faible croissance, voire négative. Or, la Banque du Canada s’attend à une croissance économique de 4,2% en 2022 et de 3,2% en 2023. De plus, les exportations canadiennes demeurent robustes grâce à la vigueur de l’économie américaine.
Du «juste-à-temps» au «juste au cas où»
Le défi pour les entreprises, et c’est là la mauvaise nouvelle, est de réussir le tour de force de répondre à cette demande dans un contexte de très fortes perturbations de la chaîne d’approvisionnement, de prix plus élevés et, évidemment, de pénuries de main-d’œuvre. On s’attendait tous, cette année, à ce que le problème d’approvisionnement s’atténue. Mais la nouvelle vague de COVID-19 qui frappe la Chine, un pays qui maintient une politique de tolérance zéro face au virus et des mesures sanitaires beaucoup plus sévères, a changé la donne. Quelque 25 villes chinoises, et non les moindres comme la métropole Shanghai et d’importantes cités industrielles, sont actuellement sous confinement total ou partiel. Dans ces villes, qui représentent 40% de l’économie chinoise, les usines ont ainsi réduit considérablement leur cadence de production et de plus en plus d’entreprises canadiennes éprouvent ainsi des difficultés à s’approvisionner. En mars dernier, une vaste majorité (85%) de PME affirmait connaître des difficultés d’approvisionnement, comparativement à un niveau déjà élevé de 75% en novembre 2021, indique des sondages de BDC.
La guerre inattendue de la Russie contre l’Ukraine a aussi envenimé la situation. Ce conflit armé ne cause toutefois pas tant de problèmes d’approvisionnement pour les entreprises d’ici, que surtout des hausses de coûts.
Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les hausses de prix obligent de nombreuses entreprises à augmenter leurs stocks pour garantir leur approvisionnement, constate-t-on ici et là. La gestion des stocks est passée du «juste-à-temps» au «juste au cas où». Cette stratégie est évidemment coûteuse, réduisant les flux de trésorerie et comprimant les marges, mais s’avère efficace.
Pour remédier à la situation, ou du moins l’atténuer, les entreprises ont aussi intérêt à diversifier leurs sources d’approvisionnement. L’utilisation de technologies numériques favorise également une meilleure planification et gestion de la chaîne d’approvisionnement et des stocks. Il n’y a pas de solution miracle, mais les entreprises ont néanmoins des moyens et des outils pour subir le moins d’impact possible.