EXPERT INVITÉ. Les dividendes sont importants en Bourse. Ils représentent une proportion significative des rendements historiques des indices boursiers. Par exemple, au cours des 20 dernières années, l’indice canadien S&P/TSX a enregistré un rendement annuel composé, incluant les dividendes de 8,8%. L’apport des dividendes à ce rendement a été de 3,0% pendant la même période. C’est donc dire que les dividendes ont représenté plus du tiers du rendement de l’indice au cours des 20 dernières années.
Un titre qui offre un dividende assez élevé est intéressant pour bien des investisseurs, particulièrement ceux qui veulent tirer des revenus réguliers de leur portefeuille d’actions. Aussi, pour les comptes non enregistrés, les dividendes sont fiscalement plus attrayants que les intérêts.
Une autre raison d’apprécier un titre à dividende est que de nombreuses sociétés l’augmentent année après année. Je connais un investisseur qui possède des actions de la Banque Royale depuis les années 1980. Par rapport à son coût initial de 4,10$ l’action, le dividende annuel de 5,28$ l’action que la société verse aujourd’hui représente un rendement de 128%. Pas mal!
Je crois toutefois qu’un investisseur ne devrait jamais fonder ses décisions d’investissement sur le simple rendement élevé du dividende (qui se calcule en divisant le dividende annuel actuel d’une action par son cours boursier). En soi, ce rendement ne veut pas dire grand-chose car il pourrait être autant un attrait qu’une bonne raison d’éviter un titre.
La société qui décide de verser un dividende à ses actionnaires admet ni plus ni moins qu’elle a trop de capital par rapport à ses occasions d’investissement. Le versement d’un dividende signifie généralement que les perspectives de croissance de la société sont limitées.
Aussi, la société qui choisit d’instaurer un dividende trimestriel pourra difficilement l’annuler ou le suspendre par la suite. Une telle décision est généralement mal perçue des investisseurs. C’est pourquoi le versement d’un dividende tend à limiter la flexibilité financière d’une société.
La décision de verser un dividende est une des options d’allocation du capital d’une société. Les autres sont de réinvestir dans sa croissance, soit de manière organique (R et D, investissements dans des usines, publicité, etc.) ou par acquisition, de rembourser sa dette ou de racheter ses actions. Une bonne équipe de direction choisira une ou des avenues permettant de créer le plus de valeur pour ses actionnaires à long terme.
J’ai étudié récemment le dossier d’une société, une petite entreprise en croissance et dont la stratégie est de croître en complétant des acquisitions. Je m’explique mal pourquoi elle verse un dividende qui représente un pourcentage élevé de ses bénéfices. De fait, je vois ce dividende comme une mauvaise utilisation de son capital et une éventuelle source de risque financier.
Pour l’investisseur qui vise l’appréciation de son capital à long terme, une entreprise qui choisit de réinvestir la totalité de ses bénéfices dans ses activités ou dans les rachats d’actions est souvent plus attrayante que celle qui verse un gros dividende. Des entreprises telles que CGI (GIB.A, 124,30$) et Berkshire Hathaway (BRK.B, 306,57$US) illustrent bien ce point. Au cours des 20 dernières années, ces titres ont offert des rendements (sans dividendes) annuels composés respectifs de 13,0% et 9,7%. Qui plus est, pour celui qui n’a jamais vendu ses actions de ces sociétés, aucun impôt n’aura été payé à ce jour.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements et auteur du livre Avantage Bourse